lundi 31 janvier 2011

Lissette Grosso, 11 ans, joue du violon, du bandonéon et chante en français !



A regarder à partir de 9'36 jusqu'à la fin !!!

Filmé dans l'émission Viva La Radio de Cadena 3 avec Rony Vargas.

El último Café, Como dos extraños, la vie en rose et l'hymne à l'amour.

Ca promet !

mercredi 26 janvier 2011

Adios, Emilio

Emilio Balcarce vient de s'éteindre, ce mercredi 19 janvier 2011 et nous voici orphelins d'un grand-père qui aura vécu les heures de gloire du tango et une retraite inattendue. Pour lui rendre hommage, je reproduis ci-dessous l'interview exclusive que Roger Helou lui a consacrée et qui a été publiée dans le numéro 21 de la revue Tout Tango en octobre 2009.
Sur http://www.silenciotango.com/balcarce/, vous pouvez téléchargez ce même article mis en page et écouter des extraits de l'interview complète.

Par ailleurs, le 29 mars prochain, je serais présente au cinéma les 400 coups à Angers pour présenter le film Une histoire de Tango (Si sos brujo) de Caroline Neal et ça sera vraiment étrange...

 Compositeur, violoniste, bandonéoniste, arrangeur, Emilio Balcarce a côtoyé les plus grands. Il a joué pendant 20 ans avec Osvaldo Pugliese, a formé l’admirable “Sexteto Tango”, a dirigé les orchestres des chanteurs Marino, Castillo. Il a écrit pour Gobbi, Francini-Pontier, Troilo.
Homme humble, généreux et charismatique, Emilio Balcarce a été appelé dans les années 90 à diriger l’Orchestre-école de Buenos Aires*, un projet ambitieux de la ville de Buenos Aires, qui réunit de jeunes musiciens. Cependant, les orchestres d’aujourd’hui ne sonnent pas comme ceux d’antan. Roger Helou, musicien de la scène actuelle du tango, questionne Emilio Balcarce pour éclairer quelques mystères.

Pourquoi et comment s’est terminé l’âge d’or du tango ?

Je crois que les possibles se réalisent quand ils ont le soutien nécessaire. Dans les années 40, tout le monde était dans le tango. La majeure partie des enregistrements qui se faisaient, c’était du tango, jusqu’au milieu des années 50 environ, quand il a commencé à décliner : non parce que les gens réclamaient autre chose. Le public voulait du tango : beaucoup de gens venait nous écouter et plus ou moins un tiers des gens restait debout près de la scène pour écouter «le tango». Jusqu’à ce que commencent à exister les autres ensembles, que nous appelions «la nouvelle vague». Puis «Le rock», et ensuite on parle de “rock argentin”. De là, ils ont commencé à donner «autre chose» au public. Si le musicien de tango ne peut pas s’en tirer, ni subsister économiquement, la musique décline. Non pas parce que les gens ne l’aiment plus mais parce les medias l’ont délaissée. Le rock était apparemment une affaire plus rentable pour les labels, un commerce “global”, comme ils disent maintenant. Ensuite, la télévision a également liquidé le tango, l’a jeté.
Ce fut comme envahir notre personnalité, la forme “caractéristique” de s’exprimer qu’ont les gens, dans chaque lieu. C’est comme enlever le sentiment naturel. C’est ce qui s’est passé : presque tous les orchestres se sont dissous. Quelques-uns ont survécu en jouant à l’étranger. Nous étions avec le Sexteto Tango à cette époque. Nous avions déjà voyagé dans le monde entier. Nous travaillions ici intensément. Le tango plaisait. Mais on entendait déjà le “rock argentin”. “Rock argentin ?”… Le rock n’est pas argentinle tango est argentin. Le rock est une musique qui peut exprimer un sentiment d’une façon très spéciale, mais il n’exprime pas «lo nuestro» (ce qui nous est propre), il n’a aucune racine avec ce qui nous appartient. C’est désolant.
Nous avions formé des orchestres de 12 à 15 musiciens. La nouvelle vague apparaît avec 3 ou 4 instruments et un chanteur, et envahit tous les clubs où les orchestres travaillaient. A l’époque, il y en avait une centaine dans la ville. Toutes les semaines, du vendredi au dimanche, ces clubs proposaient des orchestres. Il y avait une trentaine d’orchestres professionnels. Les gens venaient pour danser, et il y avait toujours un groupe de 50 à 100 personnes qui venaient au bal seulement pour nous écouter.
Jusqu’à ce qu’ils arrivent, eux. Aujourd’hui, si je lis le journal Clarín, la moitié des mots sont en anglais. C’est lamentable. Mais les médias veulent cela. Et il y a une raison : faire perdre le sentiment national. C’est ce que je crois. Nous désorienter.

Que s’est-il passé après ce changement avec tous ces gens qui dansaient le tango ? 

Ils ne réclamaient pas du tango ? Tu dis qu’ils ont dû abandonner le tango et continuer avec le reste ? … Eh bon, c’est que le reste était plus “festif”, plus amusant.

Et les gens plus âgés?
Ils n’allaient pas écouter ça.

Mais il n’y avait pas de gens âgés qui dansaient le tango avant ?
…le tango, oui. Mais la majeure partie des gens étaient jeunes.
80% de ceux qui venaient au bal avaient de 18 à 25 ans.
Aujourd’hui aussi, ceux qui écoutent la musique moderne sont des gens jeunes. Tu t’imagines ? Tu peux penser que les gens qui allaient danser à cette époque étaient tous des gens jeunes ? Là, ils se rencontraient, se mariaient.

 A cette époque, le tango se jouait amplifié ?

Bien sûr. Il y avait plusieurs micros. Un pour le piano, un autre général pour l’orchestre et quelques autres. Et si tu avais un solo, tu t’approchais. Ensuite, avec le Sexteto Tango, on en avait déjà un par musicien. Evidemment, ceux du rock avec leurs instruments électriques avaient beaucoup plus de volume : c’est une musique pour se divertir. Avec le tango pourquoi veux-tu un tel volume ? Tu parlerais pendant que les musiciens jouent ? … C’est que le tango est une musique qui t’apporte des détails, qui te donne beaucoup de nuances qui ne sont pas faciles à capter. Tu ne peux pas discuter pendant qu’un orchestre typique joue, si tu veux parvenir au fond que ce qu’il est en train de te donner. Le côté festif nous a débordés. Je ne critique aucune forme de divertissement.
Mais ce qui me faisait mal, c’est comment ils ont sorti de l’environnement notre musique pour le “commerce” de la musique. Imagine-toi : avec Pugliese nous jouions trois fois par semaine et ça nous suffisait pour vivre et nous étions 14. Nous gagnions bien notre vie. Imagine-toi la différence avec le fait de nous remplacer par 4 ou 5 personnes, qui jouent une musique venue d’ailleurs et imposée ici.

A cause de ce phénomène, les orchestres se sont réduits à des sextet, quintet, quartet... 
Et c’est logique! Tous les orchestres se sont dissous, Pichuco* (qui avait 12 musiciens et ensuite seulement 4), Basso, Francini-Pontier. Di Sarli disparaît ! …

alors il y a dû avoir beaucoup de collègues qui sont restés sans travail?
Bien sûr! Ils ont dû abandonner la musique, car les orchestres se sont réduits à des trios! Imagine-toi combien de professionnels ont dû abandonner ! Un désastre.

Vous avez formé le Sexteto Tango à la fin des années 60.
Les bals étaient ce que nous faisions le plus avec Pugliese, et ils ont commencé à manquer. C’est pour cela que nous avons demandé à Osvaldo s’il était d’accord pour que nous programmions une tournée dans d’autres villes du pays. Il a dit qu’il n’était pas en forme pour cela. Alors, nous lui avons demandé si nous pouvions aller jouer sans lui - c’était déjà arrivé que l’orchestre joue sans Osvaldo, quand il a été en prison durant 6 mois. Il a dit oui, que nous pouvions aller jouer mais pas avec son nom. Nous ne voulions pas changer le nom de l’orchestre alors lui-même nous a suggéré de former un ensemble plus petit.
Ensuite, le travail a commencé à s’accumuler, parce que nous jouions avec le Sexteto et aussi avec l’Orchestre. Il y avait de plus en plus de travail, un programme régulier à la télévision, un enregistrement chez Odéon, des concerts au “Caño 14”, etc. C’est ainsi que nous avons décidé d’abandonner l’Orchestre. C’était presque inévitable…

Avec le Sexteto, les musiciens les plus importants de l’orchestre sont partis, y compris le premier bandonéon, Osvaldo Ruggiero, qui a été en partie le créateur du style de Pugliese. Il me semble que l’orchestre a sonné très différemment après que vous soyiez partis.
Evidemment! Cela a continué à être du Pugliese, mais avec d’autres musiciens. Des choses différentes sont apparues, en bien ou en mal. C’est normal : il n’y a pas deux personnes semblables.

Beaucoup de jeunes ont commencé à jouer le tango ces dix dernières années. Est-ce une question de mode ?
Le tango n’est pas une mode, il a des racines. Une essence très particulière et très personnelle : Buenos Aires, les faubourgs, les immigrants, les gens de la campagne, tous ces mélanges, ce sont ses racines. Nous avons une façon de parler particulière, personne ne parle comme nous ! Nous avons des mots en lunfardo (argot de Buenos Aires), une façon de marcher. Enfin, nous avons une personnalité bien définie en tant qu’Argentins.
Le tango n’est pas une mode, c’est une culture bien enracinée.


Pourquoi n’y avait-il pas d’intérêt pour le tango avant les années 90, et maintenant oui ?
D’un côté, les médias ont décidé de rediffuser le tango. De plus, quand les dictatures se sont achevées, on a commencé à donner plus de place au tango, à ce qui nous est propre. Ce n’est pas pour rien que durant les dictatures, on n’écoutait pas notre musique. Je ne me mêle pas de politique mais je sais que cela a quelque chose à voir...
Ensuite, les tournées en dehors du pays : ont aidé à ce que les gens voient qu’il fallait pointer du doigt le tango, voir que notre musique avait vraiment du succès à l’étranger. Avec le Sexteto Tango, nous avons parcouru le monde entier. C’est aussi ce qui est arrivé à l’époque d’Arolas, alors que le tango était déprécié ici, pendant qu’à Paris il avait du succès. Jusqu’à ce qu’on s’en rende compte ici.

Vous avez dirigé le projet de l’Orchestre-Ecole ces dernières années. Comment voyez-vous les jeunes tangueros de maintenant ?

Il y a beaucoup d’intérêt de la part des jeunes. Nous avons abordé les styles “purs“ des années 40. Moi, je leur dis que c’est vraiment un travail pour qu‘ils sentent comment est cette musique.
Cela ne veut pas dire qu’ils doivent jouer comme le faisaient Di Sarli et Pugliese. Ils doivent sentir comment est notre musique.
Ainsi, nous allons pouvoir y mettre notre sensibilité propre pour exprimer comment nous la ressentons maintenant.

Nous qui avons commencé à jouer du tango ces dernières années, les enregistrements des orchestres nous ont guidés. Mais il y a quelque chose qui est difficile. Tous ces effets sur les instruments, l’expression, les parties rythmiques, tout ce qui ne peut pas s’écrire : j’ai l’impression qu’il nous manque de le voir jouer personnellement pour nous rendre compte de la magnitude, l’expression, le volume de chaque geste.

Evidemment ! La musique de Di Sarli plaisait par son expression dans les mélodies, mais également dans les parties rythmiques. Ce stacatto des cinq violons, qui s’ajoutent, provoquait un accent frappant. C’était très difficile de le faire. Cet effet au violon doit être tout petit mais en même temps, on doit entendre la note. Ce n’est pas seulement un bruit.
Pugliese avait également cela dans le stacatto. C’est cette “boue”, ce côté “sale”. Pugliese commence avec le style de De Caro, mais ensuite cherche un ton plus rythmique. Puis les arrangeurs ont commencé à faire d’autres apports... Et c’est pour cela aussi qu’ils m’ont choisi. J’avais déjà arrangé pour beaucoup d’entre eux, même pour Troilo.
Pugliese avec de bons critères quand il cherchait un nouveau musicien pour son orchestre, il voulait qu’il soit également orchestrateur : Spitalnik, Libertella, De Marco, Plaza, tous étaient instrumentistes et arrangeurs.
Je suis entré en 1948. J’avais 29 ans. Je venais de diriger l’orchestre de Marino, et j’allais former mon propre orchestre. C’est là qu’ils sont venus me chercher pour remplacer El Chino, le violoniste qui partait. J’ai réfléchi un peu et j’ai décidé d’accepter : en premier parce que j’aimais le style et ensuite parce que, avec Pugliese, le bénéfice se répartissait entre les musiciens. On gagnait presque le double que dans d’autres orchestres. Et Pugliese était plus “musical” que Di Sarli, plus complexe. C’est comme ça que j’ai commencé. Je suis resté presque 20 ans dans l’orchestre de Pugliese. D’entrée, j’ai commencé par faire des arrangements. “La rayuela” a été le premier. Je lui ai demandé : «Et comment voulez-vous que je vous le fasse cet arrangement ?», parce que nous à l’époque nous disions tous «vous». Et il me dit : “Non, vous savez déjà comment sonne l’orchestre. Faites-le comme vous le sentez» et il en fut ainsi.
Plusieurs d’entre nous faisions des arrangements. Pugliese nous disait “Faites ce que vous voulez, mais ne vous éloignez pas de notre musique ! N’allez pas chercher des choses dans le jazz ou dans toute cette musique européenne ni ailleurs».

Vous répétiez beaucoup avec Pugliese ?

Un orchestre qui jouait autant n’avait pas besoin de répéter beaucoup. Oui, nous répétions quelques heures par semaine pour mettre en place un nouveau thème, ou pour améliorer les thèmes de façon à ce qu’ils plaisent plus au public. Et c’est seulement après cela qu’on enregistrait un thème... si cela avait plu au public. Nous avions un répertoire de 20 à 25 thèmes… Dans les bals, nous faisons trois interventions de 30 à 45 minutes.

Troilo avait l’habitude d’effacer les choses des arrangements, de simplifier ? Avec Pugliese, se passait-il la même chose ?
Parfois, il retouchait les arrangements. Parfois non. Mon premier arrangement de «La rayuela» a été joué sans changement. Mais nous répétitions pour faire des choses nouvelles, ou pour améliorer les arrangements «qui restaient» : parce que, de 10 thèmes nouveaux que nous faisions, il en «restait» 5 ou 6. C’était le public qui décidait si un thème nouveau allait continuer à se jouer. C’était le public, par ses applaudissements, qui disait : «Oui». Ce n’est qu’ensuite que nous enregistrions un thème. Il faut écouter le public pour savoir ce qui est bon.

Un tel public n’existe plus...
Nous avons toujours tenu compte de cela. Nous découvrions même des trucs (los “yeites”* effets sonores inattendus sur les instruments) qui plaisaient au public...même les mouvements en jouant, l’emphase, l’expression. Le tango se joue «sale» comme disait Piazzolla. “La mugre”, ce mot, c’est lui qui a commencé à l’utiliser. Fresedo, par exemple, ne jouait pas ainsi. Fresedo était très musical, avec une grande qualité, desnuances, beaucoup de sonorité, de très beaux thèmes, mais c’était un orchestre “fin”... peu “typique”. Lui-même était un bandonéoniste “populaire”, mais son orchestre s’est ensuite «affiné». Un autre exemple : Salgán. Salgán jouait beaucoup de choses magnifiques, élégantes, contrastées, joueuses; mais avait-il l’émotivité de Di Sarli ? de Pichuco ? L’expression, qui sort de l’intérieur, de Pugliese ?
Cette façon de sentir ! Cette force ! Brrr Stac! RrraK!.. D’Arienzo!
Sais-tu que quand l’orchestre de D’Arienzo jouait, le public applaudissait plus quand il dirigeait l’orchestre que quand il n’était pas là. Comme s’il racontait au public ce qui se passait. Musicalement, c’était très simple : les effets, les accents, les coupures brusques, les pauses ! Cette vivacité !


 Je crois que malheureusement c’est cela qui nous manque aussi à nous les jeunes...
Bien sûr! parce que vous n’avez pas la chance de vous connecter avec le public de cette façon ! … un public connaisseur et enthousiaste, qui vous fait extérioriser ce que vous ressentez. Mais je crois qu’au fur et à mesure que le public participe et apprécie ce que les jeunes font, petit à petit, cette façon de s’exprimer va surgir.
On dirait que les jeunes en jouant manquent… d’émotion. Comme s’ils jouaient de façon plus intellectuelle, sans s’engager.
Bon, dans l’Orchestre-Ecole, c’était comme ça. Nous travaillions et les styles sonnaient bien... mais pas avec cette chose qui vient de l’intérieur... Il manquait quelque chose. Et pourquoi cela ? Ce doit être parce que l’orchestre ne se frotte pas au public. Nous vivions avec cela, avec cet échange. Nous étions unifiés, nous étions une seule chose : le public et l’orchestre ! Nous nous émouvions et nous voulions que cette émotion atteigne le public. Quand nous les entendions applaudir, nous nous rendions compte qu’ils étaient aussi émus que nous. Alors il y avait une unité. Ceci, de cette façon, maintenant, n’existe pas. Je pense que c’est par là qu’on doit aller : parvenir à ce que le public sente la même chose que ce que nous ressentons nous mêmes... Et si nous, musiciens, ne ressentons rien, le public ne va rien nous donner en échange.... Tiens bien compte de cela !

Pour revenir à des anecdotes. comment se fait-il que vous soyez arrangeur, en étant violoniste ? En général les arrangeurs étaient pianistes ou bandonéonistes.

J’ai commencé le violon vers 6 ans mais j’ai attrapé le bandonéon à 13 ans. J’ai appris en écoutant De Caro. De Caro a fait partie des premiers qui ont mis la musique sur les pupitres. Très musical.
Ses arrangements m’ont plu et son expression... bien compadre, bien portègne, avec ces frottements, avec… ces choses “typiques” Rrrreeee Vvrree, ces ronflements compadres. C’est de là qu’est née ma curiosité. Je demandais des arrangements à des collègues, , j’étudiais les partitions symphoniques, de façon autodidacte. C’est comme ça que j’ai formé mon propre orchestre de10 musiciens. Nous travaillions dans les bals, nous mettions des publicités dans le journal. J’avais 16-17 ans. On jouait dans des radios de deuxième catégorie. Ensuite, on me demandait des arrangements pour d’autres orchestres. Alberto Marino a commencé à chanter avec moi. Il avait 16 ans !… Il travaillait dans une usine de mosaïques. Ensuite, j’ai dirigé l’orchestre de Castillo, quand il a quitté Tanturi. J’ai arrangé pour Gobbi, Basso, Francini-Pontier, Troilo.

Le magnifique arrangement que joue Troilo de votre thème “la Bordona”, est le vôtre ?

Oui! Mais cela a été un hasard que Pichuco le joue. Je l’avais mis de côté, ce thème. Parce qu’il n’avait pas plu à Pugliese : Je me souviens lui avoir apporté le thème, et il l’a joué au piano. Il me dit « c’est joli, mais vous devriez faire des tangos comme ceux que vous avez déjà faits : Bien compadre , Si sos brujo … ». Bien sûr, très milonguero, le type … et je me suis dit merde … il m’a tué. Je l’ai mis de côté et il est resté ainsi.
Un jour, je vois Pichuco au Café Paraná, sur Corrientes. J’avais déjà fait des arrangements pour lui. Je suis entré, je l’ai salué :
“Asseyez-vous, vous prenez quoi ?” et je lui dis : “ J’ai un thème que j’ai gardé, j’aimerais que vous le voyez”... Son pianiste Berlinghieri l’a joué une fois au piano et ça a plu à Pichuco et il m’a demandé que je lui fasse l’arrangement. Je lui ai demandé :
“Vous avez une indication ?”. Il me dit : “Non, vous avez tout pensé ici” et ce fut ainsi : Il n’a pas changé une note... On disait que c’était un des rares arrangements que Troilo joua sans rien changer. Ça sonnait bien.

Et quelle version vous plaît plus, celle de Troilo ou celle de Pugliese ?
Plus tard, quand Pugliese me l’a demandé, j’ai dû l’adapter à son orchestre, connaissant le son de Pugliese, comment il jouait.
Deux orchestres ne pouvaient pas jouer le même arrangement à cette époque. Mais l’arrangement que j’ai fait pour Troilo, c’est comme ça que je sentais le thème.

Bon, je ne vous dérange pas plus.
Oui, parce que je vais dire chaque fois plus de bêtises…
Emilio Balcarce mentionne de façon répétée des mots-clés que nous avions presque oubliés : expression, émotion.
Un défi pour les musiciens et le public d’aujourd’hui : Allons- nous parvenir, avec ce langage populaire, légitime et authentique, mais qui n’est déjà plus actuel, et par ce moyen de l’échange musiciens-public, à revenir à exprimer un art à partir de l’émotion ?
Roger Helou
Octobre 2008, chez Emilio Balcarce
(Un grand merci à ceux qui ont contribué à cette interview: Ramiro Gallo, à “TangoVia“, et puis à Emilio bien sûr !)

Roger Helou est né à Buenos Aires en 1978. En tant que pianiste et organiste, son parcours musical l’a mené de la musique médiévale à la musique baroque. Dans la branche de la musique populaire, il s’est formé de façon autodidacte, se spécialisant dans le tango comme interprète et arrangeur. En 2000, il crée l’orchestre typique «Silencio“ qu’il dirige en tant que pianiste et arrangeur. Silencio a parcouru tous les grands festivals de tango d’Europe depuis sa création et a enregistré 3 CDS et un DVD.
Depuis 2006, il fait aussi partie du Cuarteto Cedron, à Buenos Aires. En tant qu’enseignant, il participe à différents projets, notamment dans l’enseignement du tango traditionnel à Paris,Tarbes et Bâle (Suisse).

Traduction de Solange Bazely & André Vagnon

Pichuco : le surnom affectueux donné à Anibal Troilo dans les mélodies, mais également dans les parties rythmiques.

Lire aussi :  http://barrio-de-tango.blogspot.com/2011/01/le-deuil-de-la-bordona-le-maestro.html
un autre article sur sa mort, en espagnol : http://www.clarin.com/espectaculos/musica/Adios-patriarca-tango_0_412758831.html  ainsi que http://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1343477&origen=NLEsp&utm_source=newsletter&utm_medium=titulares&utm_campaign=NLEsp

Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce grand monsieur modeste dont la carrière parle pour lui. Il est né en 1927 et a servi de son violon les orchestres d’Edgardo Donato, de Ricardo Tanturi, d’Anibal Troilo, d’Alfredo Gobbi , de Francini-Pontier, de José Basso, de Leopoldo Federico et bien sûr d’Osvaldo Pugliese qu’il a intégré en 1949. Avec Osvaldo Ruggiero, Victor Lavallén, Julián Plaza, Cacho Herrero, Aniceto Rossi et Jorge Maciel, il a fondé le Sexteto Tango en 1968. Il pensait prendre une retraite bien méritée lorsqu’en 2000 Ignacio Varchausky, le contrebassiste d’El Arranque l’a poussé à prendre la direction de la Orquesta Escuela de Tango, qui forme de jeunes musiciens en vue de la transmission des styles des orchestres de l’âge d’or avec des invités tels que Julián Plaza, Ernesto Franco, Horacio Salgán, Leopoldo Federico, Néstor Marconi, José Libertella, Atilio Stampone, Rodolfo Mederos, Raul Garello ou Juan José Mosalini. On lui doit notamment de nombreux titres devenus des classiques comme “La Bordona“, ou “Si sos brujo“ qui donne son nom au documentaire que lui a consacré Caroline Neal qui nous fait revivre cette aventure. Depuis trois ans, c’est le bandonéoniste Néstor Marconi qui dirige cet orchestre-école, avec des maestros invités.
Eric Schmitt

dimanche 16 janvier 2011

Bandonéon timbré à la Segui

Tous les ans, la Poste française procède à une émission commune avec un pays étranger. En 2006, la France et l’Argentine émettent conjointement les deux mêmes timbres, sur le thème du tango, à la même date. De 4 cm de côté, un dessin représente des danseurs pour le timbre à 0,53 € et un bandonéoniste pour celui à 0,90 €, exactement le tarif pour une lettre qui partirait de France en Argentine... Tous deux réalisés par le peintre argentin résidant en France depuis 1963 Antonio Segui et imprimés en héliogravure.

vendredi 7 janvier 2011

Le Bandonote : un jeu pour mémoriser de façon ludique son clavier

Inventé par Annie Kouyoumdjian, élève de Juanjo Mosalini au Conservatoire de Gennevilliers.
Subjuguée par le son de l'instrument, Annie cherche à apprendre et comprendre de façon ludique la complexité du clavier; c'est ainsi qu'elle a imaginé un système de jeu de cartes rondes, plastifiées pour résister au temps et retenues par un cordon, qui "s'est imposé de lui même" en décembre 2008.  
Ca a marché pour elle, et en mémorisant plus rapidement, cela a libéré de l'énergie pour se consacrer à tout le reste : tenue de l'instrument, position du corps, des mains, poids des bras porté sur les caisses de chaque côté...



"L'idée de faire partager cet outil m'est venue des étudiants eux-mêmes. Juanjo a parlé du Bandonote en public en me présentant lors de mon premier passage à l'audition de fin d'année. A la fin, les élèves concernés par la difficulté de la mémorisation des notes du clavier sont venus me trouver. C'est là que j'ai décidé d'en faire une présentation PDF visible par tous sur le net sur un site dédié.  Il existe un exemplaire du jeu à demeure spécialement pour le conservatoire de Gennevilliers, disponible auprès de Juanjo Mosalini, consultable sur simple demande".

A télécharger sur : www.inorg.chem.ethz.ch/tango/pdf/bandonote.pdf

lundi 3 janvier 2011

Paquita Bernardo, la première femme bandonéoniste et Ruben Juarez 2011

Voici une peinture murale à Villa Crespo où est née Paquita Bernardo


Francisca Cruz Bernardo, dite Paquita Bernardo, née dans le quartier de  Villa Crespo le 1er mai 1900 et meurt le 14 avril 1925 est sans doute la première femme bandonéoniste professionnelle à une époque où la musique n'était pas seulement une affaire d'hommes mais elle portait la charge d'être peu sainte.
Surnommée la fleur de Villa Crespo, elle avait découvert le bandonéon en écoutant José Servidio, un garçon surnommé "Valise". Il était un compagnon de la fille de 15 ans que les parents espagnols avaient envoyé étudier le piano, ce qui était plus conforme au début du XXème siècle. Ensuite viendront les connaissances d'autres maestros comme Augusto Pedro Berto et Pedro Maffia, un adolescent qui ensuite fera également partie de l'histoire du bandonéon.
La decision de la fille d'être bandonéoniste choquait évidemment son père, un andalou arrivé en 1887. Mais Paquita avait déjà  decidé ce qui serait son futur : être artiste.
En plus de jouer dans les fameux cafés du quartier (comme l'ABC, La Paloma, el Peracca, el San Bernardo, el San Jorge ou el de Venturita) la fille réussit à briller dans le renommé Café Domínguez, sur Corrientes 1537. Elle s'y présenta avec son sextet nommé “Orquesta Paquita”, qui intégra deux jeunes qui promettait : le pianiste Osvaldo Pugliese et le violiniste Elvino Vardaro.
Dans ce lieu, la fille touchait  600 pesos par mois. Et on se souvient que sa popularité était telle que les gens faisaient la queue dans la rue pour écouter son bandonéon Doble A. L'entreprise Lacroze se plaint au propriétaire du café : on dut placer des policiers et même dévier les tramways parce que passer par là au moment où Paquita jouait était très compliqué.

Ses deux frères, Arturo (également musicien) et Enrique, étaient chauffeurs de taxi et l'accompagnait pour quitter et retrouver Villa Crespo, avant une heure du matin, comme l'exigeait leur père.


Le final abrupte dans une carrière musical si impressionante (qui n'eut pas d'enregistrements) eut lieu peu de temps avant que Paquita fêta ses 25 ans. Un rhume ma soigné se convertit en pneumonie. La légende parle aussi de tuberculose. La cérémonie de son enterrement eut lieu au cimetière de la Chacarita (où son ses restes et son monument) rassembla beaucoup de ses fans. En dehors du milieu du tango, sa brève vie est peu connue. Mais l'est encore bien plus une autre bandonéoniste contemporaine de Paquita Bernardo : Fermina Maristany, connue comme “la Negra del fueye” qui mourrut  en 1985 dans sa maison de Palermo Viejo. Mais ça, c'est une autre histoire.

samedi 1 janvier 2011

Soyons utile(s) en 2011 !


Julien Clerc chante Utile (paroles d'Etienne Roda-Gil),
avec la complicité du jeune Juanjo Mosalini en 1992