mardi 15 février 2011

BD - Fueye/Bandonéon - scénario et dessins de Jorge González


Ce roman graphique de Jorge González, argentin résidant en Espagne, nous plonge en 1916, sur un navire accostant le port de Buenos Aires, remplis d'exilés italiens. A bord, le petit Horacio, élève doué, prend des cours de piano. Son père, imprimeur et militant, couche avec la prof de piano, sans s'engager cependant. Le gamin est remarqué par le gros Vicente, bandonéoniste. Quand le vent tourne, le Gordo lègue son bandonéon au gamin. En 1931, Horacio est devenu pianiste de talent, aux bottes des notables qui trempent en politique. Il dénonce alors son propre père afin d'épouser la fille du Docteur. Puis il se retrouve dans une nouvelle routine (admirablement rendu en une seule page par cet habitué des story-board de pub) dans laquelle il s'est totalement renié. L'arrivée d'Agata dans sa vie en 1968 le fera-t-il se retrouver et ne plus rester comme le bandonéon dans l'armoire ? Flash back en 1916 puis "Juste comme ça", sorte de journal de bord en chromatisme inversé où il nous confie la propre genèse, les affres de la création, les discussions entre le dessinateur qui vit en Europe et son traducteur français à Buenos Aires, Thomas Dassance, les témoignages des voyages d'exil de sa propre famille, avec des croquis et des couleurs.

Un livre original, à lire, à feuilleter, qui nous fait voyager de trait en trait dans la vie, la création et l'exil où le tragique, le mélancolique et le jouissif se mêlent. Avec un dessin qui danse lui aussi, à la fois sombre et souple qui en quelques courbes dit ce qu'il veut, dans un climat original et réussi.
Ce livre m'a vraiment touché, comme une confidence, et pour accentuer vos impressions, la "bande originale" de la BD a été composé et interprété par le bandonéoniste Marcelo Mercadante, avec des magnifiques solos de bandonéons à télécharger sur http://www.archive.org/download/MarceloMercadante-fueye/MarceloMercadante-fueye_vbr_mp3.zip.

Un détail touchant : le bandonéon n'a d'autre étui qu'un grand mouchoir dans lequel il est transporté, ce qui renforce le pauvreté mais aussi la tendresse, comme faisant partie intégrale de l'instrument.  Ce détail du mouchoir est une légende qui circule sur Eduardo Arolas.

Jorge Gonzalez : "Je l'ai ainsi nommé, Fueye, parce que je crois que ce mot symbolise le tango et cette musique, sa danse et sa littérature dans les mille sens socio-politiques et philosophiques de l'Argentine de la fin du XIXème siècle jusqu'à aujourd'hui. Ma relation avec le bandonéon est comme ma relation avec n'importe quel instrument. Je ne sais en jouer aucun et j'admire et envie profondément celui qui en joue. J'ai découvert le tango assez tard, à plus de 20 ans et bien que je n'écoute pas du tango tous les jours, je sais que c'est l'instrument qui me touche le plus profondément est le bandonéon"19.

Jorge González a remporté le prix BD de la Fnac espagnole pour cet album sorti en 2008 sous le titre original Fueye en Espagne. En France, il est sorti dans un format plus grand le 5 mars 2010 aux Editions Dupuis.

mardi 8 février 2011

Un bandonéon à effleurer - Michal Batory


L'affichiste polonais installé à Paris depuis plus de vingt ans Michal Batory nous enchante avec cette affiche volontairement décalée où le bandonéon végétal joue la passion et la musique. Une dualité et une poésie qu'il nous a offert à l'occasion des quatre éditions du Festival Buenos Aires Tango qui ont eu lieu en 2001, 2004, 2006 et 2008 sous l'impulsion du directeur du Théâtre National de Chaillot d'alors, l'argentin Ariel Goldenberg. Je n'ai raté aucune de ces éditions !
"Cette affiche était ma première commande pour Chaillot, en 2001. Pour ce festival de tango, qui était une vraie réussite avec une soixantaine d’artistes argentins très connus, j’ai fabriqué ce bandonéon avec des roses, symboles de l’amour. Je voulais me démarquer de l’affiche traditionnelle de tango toujours basée sur un couple de danseurs, ou un gros plan de jambes ou de chaussures." ajoute l'illustrateur.
Son langage graphique repose sur l'association incongrue de deux objets, qui engendre la surprise, l’insolite, l’humour, la poésie, l’émotion avec une dose bienvenue de surréalisme.

Le travail de Michal Batory, né à Lodz en 1959 est actuellement exposé au Musée d'Arts Décoratifs (www.lesartsdecoratifs.fr)  au Louvre à Paris sur 800 m2 jusqu'au 30 avril  2011.