mardi 21 octobre 2014

Blas Rivera en concert à Paris le 23 octobre : l'homme qui souffle dans son saxophone comme si c'était un bandonéon


Deux émigrés européens.
Un belge, l’autre allemand. Les deux sérieux, classiques, contenus, presque religieux.
Les deux ont des touches, des ressorts, des clés, des boutons. Les deux chantent très bien. Les deux sont un poumon, un sur les genoux, l’autre dans la bouche, mais leurs airs provoquent des tempêtes.
Un brille par son métal, l’autre, comme une nuit pleine d’étoiles organisées en rangées.
Le siècle commence et les deux émigrent de leur terre; les deux polissons dans un bateau qui s’embarque pour l’Amérique. Un au Nord, l’autre au Sud.
L’un s’accommode des quartiers pauvres du Rio de la Plata, l’autre fait de même, mais à la Nouvelle Orléans. L’un se soule avec des marins italiens, des immigrants juifs et des prostituées locales;... mais évidemment... tombe amoureux de la danse. L’autre se soule avec des marins français, des immigrants irlandais, des esclaves africains... et bien sûr... tombe également amoureux de la danse. Les deux crient, susurrent, se meuvent d’air. Pur vent entre les doigts.

Au début, ils aiment tous deux avoir peu de compagnons, celui du Sud une guitare et une flûte. Celui du Nord une contrebasse et une planche à laver80.
Les deux se fourvoient dans des sectes bizarres, avec des noms sublimes, sonores et incompréhensibles... “"tango"…."jazz"….personne ne sait m’expliquer ce qu’ils signifient; alors eux deux seulement commencent à leur donner du sens.
Un se façonne un Parker, l’autre s’invente un Pichuco.
Leurs familles grandissent avec le siècle. Ils récupèrent au passage tous les sons qu’ils croisent, les contaminent, les convainquent, les hypnotisent. La famille de ce grand Big Band, la famille de l’autre... l’Orchestre Typique. Di Sarli manipule les romances, les déguisent de soies. Et les deux poursuivent, les deux, amoureux en temps binaire.
Et ils grandissent, sortent de la banlieue. Coltrane va a l’école et Federico donne des cours de passion. Et les deux jouent assis et les deux jouent debout... pour que personne ne les rate.
Ils ont un secret ancestral... leurs pouces ne chantent pas, ils soutiennent uniquement la sainte fabrique des chansons... pour qu’elle ne tombe pas, pour qu’elle continue, pour que la danse ne s’arrête pas.
Et le moment arrive, l’explosion, le baryton rencontre le bandonéon, et Mulligan, Piazzolla, et le Sud et le Nord se mêlent en jeux de jambes, croches, arpèges ivres, labyrinthes d’octaves, plaintes rauques avec ostinatos de douleur.
Après un temps, avec beaucoup de salive, en lui enviant ses sauts d’octaves, je confesse que la seule chose que j’ai fait dans ma vie, c’est souffler dans mon saxophone comme si c’était un bandonéon.

Blas Rivera (Traduction de Solange Bazely)

vendredi 17 octobre 2014

La consacration de Aníbal Troilo au Teatro Colón en 1972


Pour le centenaire de la naissance d'Anibal Troilo, je donne une conférence sur cet être terriblement attachant et talentueux dont j'aime à partager la trajectoire hors normes, samedi 18 octobre à 16h30 à Saint-Etienne de Tulmont (près de Montauban).
Si cela vous intéresse d'accueillir chez vous cette conférence et d'autres (si le tango m'était conté, le bandonéon et le tango au cinéma), je suis à votre disposition
Solange