samedi 11 juillet 2015

En ce jour (inter) national du bandonéon



Cher Charlie,

Peut-être qu'en t'appelant Charlie, tu te souviendras du gosse de 13 ans qui vivait à New-York, qui était argentin et jouait du bandonéon. J'ai aussi travaillé comme vendeur de journaux avec toi dans le film El día que me quieras. Je t'ai surnommé Charlie quand tu m'a demandé une fois chez toi comment on disait Carlitos en anglais. Tu te souviens quand je t'ai apporté un bonhomme de bois qu'avait taillé mon père ? Ce matin-là tu m'as dédicacé deux photos, une pour Vicente Piazzolla et une autre pour "le gamin sympathique et futur grand bandonéoniste".

De 1934 à aujourd'hui, 1978, 44 années sont passées et réellement je ne t'ai pas oublié. Tu te souviens quand tu m'emmenais sur tes tournages dans les studios de la Paramount à Long Island ? Février 1934, la pire chute de neige de l'année, deux mètres de haut et - 10° , et moi ton traducteur de flatteries des filles qui voulaient te connaître.
Je n'oublierai jamais les deux bicyclettes que nous prîmes avec Tito Lusiardo et que nous avons cassées à force de mouiller notre chemise. Les après-midis, j'avais pour habitude de t'accompagner pour t'acheter des vêtements dans les grands magasins de New-York. Nous arpentions Sacks, Macys, Florsheini et finalement tu t'achetais ces fameuses chemises à rayures verticales et horizontales. Des douzaines, avec des chaussures vernies, borsalinos, etc... comme si tu avais trop d'argent. Je t'ai montré toute la ville (j'étais fier de la connaître aussi bien; mais cela faisait déjà 11 ans que je vivais là), surtout mon quartier, Greenwich Village, où je te faisais connaître les meilleures cantines italiennes et toi, avec tes problèmes de bedaine, tu faisais gaffe; sans compter les fois où tu es venu à la maison goûter les raviolis de ma grand-mère Asunta en plus des beignets de coing. Comme tu aimais bien manger !

Je n'oublierai jamais la nuit où tu m'as offert un asado à la fin du tournage de El día que me quieras. Ce fût un honneur pour les argentins et les uruguayens qui vivaient alors à New-York. Je me souviens qu'Alberto Castellano devait jouer du piano et moi du bandonéon, évidemment pour t'accompagner. J'ai eu la folle chance que le piano soit si mauvais que j'ai du jouer moi seul avec toi chantant les thèmes du film. Quelle nuit, Charlie ! Ce fut là mon baptême avec le tango. Le premier tango de ma vie et accompagnant Gardel ! Jamais je ne l'oublierai.

Peu de temps après, tu es parti avec Le Pera et tes guitaristes à Hollywood. Tu te souviens que tu m'as envoyé deux télégrammes pour que je me joigne à vous avec mon bandonéon ? C'était au printemps 1935 et j'allais fêter mes 14 ans. Mes parents ne m'ont pas donné l'autorisation et le syndicat non plus. Charlie, ça m'a sauvé ! Au lieu de jouer du bandonéon, je jouerai de la harpe !

Une nouvelle étape de ma vie commence. Nous rentrons à Mar del Plata en 1936. J'ai le coup de foudre pour la musique et j'étudie follement le bandonéon. Mon bandonéon et moi nous allons à Buenos Aires et je débute avec Aníbal Troilo. Tu sais qui était Troilo ? C'était toi, jouant du bandonéon. C'est comme dire : ton prolongement.

Nous étions en 1939 et cela faisait 4 ans que tu étais Dieu. Tes films et tes disques se vendaient désespérément. Maintenant les idiots découvrent que tu chantais bien. Ton théâtre était vide. Ton voyage en Europe prémonitoire et tes concerts chaque fois plus importants. Ensuite les Etats-Unis, tes films, Hollywood, l'Amérique centrale et Medellín, la fin de la route. Tu sais une chose... moi aussi j'aime l'avion, sauf cette carlingue que tu as prise. Mais... après ton absence de nouveaux personnages de Buenos Aires ont commencé à apparaître. Charlie... Tu as ruiné la vie des chanteurs, ceux qui avaient pour habitude de dire : heureusement, Gardel est parti et il y a plus de travail pour nous et les autres répondaient : faites gaffe les gars, les disques restent.

Profitant de ce moment, une nouvelle classe sociale apparaît : les veuves de Gardel, ces personnages qui achetaient ou avaient tes disques. Comme par magie, les animateurs de radio et les "critiques" disaient tous qu'ils étaient tes amis même s'ils ne t'avaient jamais vu de leur vie. Ces gens ont leurs clans formés dans toute l'Argentine, l'Uruguay, la Colombie, le Vénézuela et dans beaucoup d'autres pays encore, cela fait presque 45 ans qu'ils vivent grâce à toi. Mais là ne se termine pas l'affaire. Après 1936, naissent les Gardéliens, Gardelones, Gardelitos ou Gardeluchos. Ce sont de drôles d'êtres qui utilisent ton sourire, tes mêmes mimiques, ta même façon de marcher et de parler, mais ce qu'ils ne peuvent pas faire, c'est chanter comme toi. Charlie, je sais que tu serais mort de rire, rien de moins. Je peux te dire que la majorité des chanteurs ont voulu être Gardel et Gardel pour tous. Ici le bruit a même couru que tes disques se répétaient de nuit. C'est pour cela que tu chantes mieux chaque jour.

Je t'en raconte une bonne, Charlie. Certains professeurs de chant du Théâtre Colon font écouter tes disques comme exemple et je suis certain que tu seras toujours là à nous regarder de là-haut et tu penseras que tu aurais aimé chanter les grands tangos des années 40 : de plus, j'aurais écrit pour toi et je t'aurais fait les arrangements et j'aurais joué le bandonéon. On les aurait tués, Charlie. La seule chose que je n'aurais pas utilisé dans l'orchestre, c'est la harpe. Là-haut, tu dois avoir une collection de toutes les couleurs, Toi qui connais les anges. Pourquoi tu ne leur demandes pas de changer le système et tu ajoutes un bandonéon dans l'orchestre ? Regarde, il y a déjà le gros Pichuco, Maffía, Laurenz.

Mais je m'enthousiasme trop et je préfère attendre un peu pour être celui qui organise cet orchestre. Je vais travailler, ou comme on dit aujourd'hui, "j'ai un récital". Je vais penser au gamin Piazzolla quand tu lui as dit : "Maintenant joue la musique de Arrabal amargo et vas-y à fond". C'était au printemps 1935 et le duo Gardel-Piazzolla était né. Je suis un type chanceux. Un jour, nous nous rencontrerons au dernier étage. Attends-moi, mais... ne meurs jamais.

Lettre de Piazzolla à Gardel, Buenos Aires, 1978
Traduction de Solange Bazely le 4/07/2011

vendredi 10 juillet 2015

Chant ou bandonéon ?

Après une 7ème édition de Tangopostale très éprouvante mais également revigorante quant à sa fréquentation, on se demande bien si on prendra  des leçons de bandonéon avec Marcelo Mercadante ou plutôt de chant avec Sandra Luna ! Quel dilemne !


 Ce qui est certain, c'est que ce sera en octobre et à Albi ! Bonnes inscriptions !